Seb Radix (voire Seb & The Rhââ Dicks) – 1977

Date de sortie : 09 décembre 2023 | Labels : Musique Rasoire, Echo Canyon, Coolax (6 hent Tanguy Prigent 22420 Le Vieux-Marché) et Table Basse Records

C’est quoi ce bordel ? C’est quoi ce disque ? C’est quoi ce titre ? Et ces invités ? Andy Kerr (oui oui, celui d’Infamous Scientists ou Nomeansno entre autres), Mike Watt (idem, LE Mike Watt) ou John No (même chose : Triclops ! ou Street Eaters par exemple) ? C’est quoi cette musique ? De prime abord, 1977 entraîne un milliard de questions. Et après de multiples écoutes, il n’apporte aucune réponse.
Il passe systématiquement du coq à l’âne, n’investit aucun pré carré stylistique dans lequel il resterait bloqué, prend un malin plaisir à sonner comme du Bowie ou du Sly & The Family Stone ou du Nino Ferrer ou du Pierre Vassiliu ou n’importe qui d’autre et la liste est bien sûr bien loin d’être exhaustive. Il mélange les langues mais quand il n’est pas chanté en français, c’est un anglophone qui s’occupe du micro. C’est aussi un siffleur professionnel qui s’occupe des sifflements (le frère de Seb Radix, sur Le Chant Des Perdrix). Un batteur qui tient la batterie (et pas des moindres, c’est Oli [Malaïse, Death To Pigs ou Zone infinie] qui secoue les baguettes sur beaucoup de morceaux). Un saxophoniste (Cyril Darmedru de Grand Bario ou Miss Goulash entre autres) pour le saxophone (et le shakuhachi, flûte japonaise d’origine chinoise à cinq trous). Bref, quand Seb n’a pas l’impression de maîtriser ce qu’il joue ou chante, c’est quelqu’un d’autre qui maîtrise mieux que lui qui prend sa place.
Du coup, il s’occupe de la basse et de la guitare et du chant. Et de l’écriture des morceaux.
Et ça, oui, clairement, il maîtrise.

C’est qu’il en faut de la maîtrise pour balancer des solos tels que ceux qu’il balance dans SMS, M&M’s & MST ou Police Milice par exemple. Il en faut également pour multiplier les grands écarts temporels et mettre un pied dans les ’70s tout en sonnant contemporain, pour sonner folk puis funk puis pop puis punk puis expé l’instant d’après ou comme Bobby Conn un peu plus tard (et un peu tout le temps aussi, c’est assez inexplicable). Il en faut encore pour faire rimer « calva » avec « calvitie » (sur Aire d’Autoroute Vide) par exemple, ou expliquer qu’ « on ira se promener/on ira avec la CGT » et que « Tu vas pas perdre un œil/Tu vas pas te noyer » . C’est sans doute très ironique mais murmuré avec une telle conviction qu’on se demande en permanence si tout cela ne serait pas à prendre au premier degré. Bref Seb maîtrise et ce qu’il ne maîtrise pas, ses Rhââ Dicks le maîtrisent pour lui.

Avec tout ça, l’album passe très vite et multiplie les points d’orgue qu’on n’avait pas vus venir : les courts interludes comme Baby Fight et Mind The Bomb (trente-cinq secondes pas plus durant lesquelles Seb Radix rencontre Oli) bataillent avec des morceaux plus longs où Radix Seb change de peau et décrit sa vie par le menu (se grimant même en Sardou sur Voyage par exemple sans paraître ridicule ou agaçant, avec un texte hyper malin et très vrai en sus) et d’autres encore où il explore ses goûts musicaux que l’on sait larges eu égard au pedigree du bonhomme qu’un article multipliant les signes au-delà du raisonnable ne suffirait de toute façon pas à résumer (Ashtray chanté par Mike Watt sonne par exemple comme du Outkast ; La Mémoire Sélective, chanté par lui-même, comme du Heavenly et ainsi de suite).
C’est à la fois iconoclaste et très sérieux, léger et extrêmement maîtrisé, rempli de poil à gratter mais vraiment touchant, toujours hyper bien fait et ça donne plus d’une fois l’impression d’entendre la psyché de Seb Radix ou d’être complètement immergé dans son cerveau. On se sent oiseau avec lui, on se sent guitar hero, on se sent punk, on se sent tout ce qu’il peut se sentir lui-même et on endosse ses divers costumes qui, in fine, le définissent (probablement) complètement.

En plus, tout ça sonne parfaitement et donne l’impression de débarquer d’une faille temporelle qui nous ramènerait aux ’70s en général et à 1977 plus particulièrement (Bruno Germain à la captation qui s’est aussi occupé de programmer quelques patterns de batterie électronique sur quelques morceaux). Il est donc très difficile de rester de marbre devant cette collection de chansons à tomber qui permet à Seb & The Rhââ Dicks d’accéder au statut tant recherché de meilleur groupe solo de tous les temps de l’année 1977 de 2023 et de l’univers tout entier de l’Internationale noise de Lyon.

Goûtez au vrai truc !

leoluce

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